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  • il y a 2 ans

A propos du retrait du Pneumorel® et des Torsades de Pointes (TdP)

Le fenspiride/Pneumorel® est une substance, mise sur le marché en 1973, visant à soulager les signes fonctionnels (toux et expectoration) liés aux bronchopneumopathies. Après 45 ans de commercialisation, ce médicament a été retiré du marché européen début 2019 pour balance bénéfices/risques défavorable. Concernant les bénéfices du fenspiride, la HAS a considéré son service médical rendu « insuffisant » en 2007 et décidé pour cette raison son déremboursement début 2018. Concernant les risques du fenspiride, des allongements de l’intervalle QT de l’électrocardiogramme susceptibles de déclencher des troubles du rythme cardiaque potentiellement mortels ont été rapportés dans les années 1990-2000.

Des études in vitro (blocage dose-dépendant du canal potassique hERG) et animales (allongement de l’intervalle QT dose-dépendant sur cœurs de cobayes) ont confirmé son potentiel arythmogène en 2019. Cet effet indésirable n’était pas mentionné dans le Résumé des Caractéristiques du Produit (RCP). Même s’il s’agit d’un événement rare, le risque est disproportionné compte tenu du service médical rendu insuffisant.

L’allongement de l’intervalle QT de l’ECG, qui peut être être congénital ou acquis (notamment d’origine médicamenteuse), favorise la survenue d’un trouble du rythme ventriculaire grave appelé Torsades de Pointes (TdP). Lorsqu’elles sont fugaces, avec retour rapide à un rythme cardiaque normal, les TdP peuvent provoquer un simple malaise ou une syncope. Un tracé ECG n’étant généralement pas disponible au moment de la crise, seul l’allongement de l’intervalle QT sur l’ECG réalisé après le malaise fait suspecter un épisode de TdP. Lorsque les TdP sont prolongées et soutenues, elles peuvent dégénérer en Fibrillation Ventriculaire (FV) mortelle. De nombreux arrêts cardiaques, notamment chez des sujets âgés polymédiqués, sont probablement liés à des TdP méconnues.

Depuis 2005, les firmes ont l’obligation d’évaluer l’effet des nouveaux médicaments sur l’intervalle QT de l’ECG par des études cliniques et non-cliniques (in vitro et animales). De très nombreux médicaments d’utilisation courante sont connus pour allonger l’intervalle QT de l’ECG : ils sont dits ''torsadogènes''. Le risque de TdP est majoré par l’association de plusieurs médicaments torsadogènes, la préexistence d’un allongement de l’intervalle QT congénital et/ou des facteurs favorisants comme une bradycardie ou une hypokaliémie.

Le cas du Pneumorel® met en lumière les délais souvent excessifs pour évaluer la balance bénéfices/risques des médicaments dans la vraie vie post-AMM et les retirer du marché lorsque cette balance est défavorable.

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