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Interdiction abusive de prescription de l’hydroxy-chloroquine

Apostille  PB 13-12-2020

Le sulfate d’hydroxy-chloroquine (Plaquenil®) est un médicament disposant d’une AMM (Autorisation de Mise sur le Marché) pour le paludisme, la polyarthrite rhumatoïde et le lupus. Des études in vitro et des études cliniques (non randomisées) ont montré une efficacité de cette molécule dans le traitement des infections à SARS-CoV-2 (COVID-19). Le Professeur Didier Raoult, de l’Institut Méditerranée Infection de Marseille, expert de réputation mondiale, a recommandé l’utilisation de l’association hydroxychloroquine/azithromycine à la phase précoce et préhospitalière de l’infection. D’autres éminents spécialistes des maladies infectieuses comme le Professeur Christian Perronne, chef du service d’infectiologie de l’hôpital Raymond Poincaré de Garches, ont soutenu cette stratégie thérapeutique. A l’occasion de la décision récente du Conseil d’Etat italien, cette note vise à faire le point sur les aspects juridiques et toxicologiques de l’interdiction de prescription de l’hydroxy-chloroquine.

I. Aspect juridique de l’interdiction de prescription

I.1. Situation de la France.

L’hydroxy-chloroquine (Plaquenil®) a reçu son AMM en 2004 et a été délivrée sans ordonnance pendant 16 ans, jusqu’au mois de janvier 2020. Le site de la Revue du Praticien précise qu’en respectant les bonnes règles de prescription et de surveillance, le profil de tolérance des antipaludéens de synthèse (surtout l’hydroxy-chloroquine) est bon. 

→ Le 13 janvier 2020 un arrêté du Directeur Général de la Santé (DGS) classait l’hydroxy-chloroquine sur la liste II des substances vénéneuses. Cet arrêté du DGS Jérôme Salomon, par délégation pour Agnès Buzyn, a été pris sur proposition du directeur général de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) au nom du principe de précaution pour un risque lié à ce médicament qui aurait été mal évalué. Les médicaments inscrits sur la Liste II sont des médicaments soumis à prescription médicale et qui ne peuvent donc être obtenus que sur présentation d’une ordonnance. Le problème ne fut pas tant le classement en Liste II de l’hydroxy-chloroquine que le fait que même sur présentation d’une ordonnance l’hydroxy-chloroquine était, pour une raison inconnue, inaccessible dans les officines de notre pays dès le premier trimestre 2020. Pour justifier l’absence de délivrance hors-AMM (indication non prévue dans la notice du produit) d’hydroxy-chloroquine, les autorités avancèrent le prétexte d’une pénurie possible de ce médicament pour « ceux qui en ont vraiment besoin », à savoir les patients atteints de polyarthrite rhumatoïde et de lupus.

→ Le 23 mars 2020 Olivier Véran, ministre de la santé, annonçait un arrêté autorisant la prescription hors AMM de l’hydroxy-chloroquine mais uniquement par les praticiens hospitaliers etpour le traitement de patients hospitalisés souffrant de formes sévères de COVID-19 (patients atteints de pneumonie oxygéno-requérante ou d’une défaillance d’organe). Les autorités sanitaires ont jugé qu’un médicament qui avait été délivré pendant 16 ans sans ordonnance ne pouvait plus être prescrit par des médecins généralistes et devait être réservé aux formes les plus graves de la COVID-19 en milieu hospitalier. Or les données cliniques fournies par le Professeur Didier Raoult suggéraient que l’hydroxy-chloroquine pouvait avoir une efficacité si elle était administrée précocement. Une fois que le patient est hospitalisé en soins intensifs avec des signes de détresse respiratoire, les bénéfices de ce traitement ne semblent pas établis.

En pleine épidémie de Covid-19, l’hydroxy-chloroquine est donc passée d’abord en Liste II (mais inaccessible dans les officines) puis de facto en médicament à prescription hospitalière. Un médecin généraliste n’avait plus la possibilité de prescrire ce médicament hors AMM.

→ Le vendredi 22 mai 2020, la revue médicale The Lancet publiait une étude concluant que les protocoles à base de chloroquine et d’hydroxy-chloroquine étaient associés à une diminution de la survie à l’hôpital et à une augmentation de la survenue d’arythmies ventriculaires. Cet article, aussitôt traduit de l’anglais en français journalistique (‘’le remède miracle du Pr. Raoult est inefficace et dangereux’’), a provoqué une inquiétude considérable chez les patients traités par ces médicaments.Le lendemain de la publication, lesamedi 23 mai, l’OMS prenait la décision de suspendre les essais cliniques menés avec l’hydroxy-chloroquine. Cette décision fut annoncée le lundi 25 mai par le directeur général de l’OMS, Tedros Adhanom Ghebreyesus. Quatre jours après la publication, lemardi 26 mai, le ministre de la santé français Olivier Véran abrogeait le décret autorisant la prescription d’hydroxy-chloroquine à l’hôpital. L’hydroxy-chloroquine ne pouvait même plus être prescrite à l’hôpital. Cette abrogation faisait suite aux conclusions de l’avis du Haut Conseil de Santé Publique (HCSP) saisi précipitamment par Olivier Véran qui a déclaré craindre un scandale comparable à celui du Mediator® ! Dans le même temps L’ANSM (pourtant peu encline à suivre les avis de la revue Prescrire® sur des médicaments à balance bénéfice/risque beaucoup plus défavorable) annonçait la suspension des essais cliniques évaluant l’hydroxy-chloroquine.

Le collectif de médecins français ‘’COVID19 – Laissons les médecins prescrire’’ dans son communiqué de presse du 26 mai 2020 déclara : « Le collectif de médecins, après avoir réclamé la liberté d’auto-prescription de l’hydroxy-chloroquine associée à l’azithromycine, sous stricte surveillance médicale, dans le but de réaliser une étude observationnelle rigoureuse portant sur plusieurs milliers de médecins français infectés par le COVID-19, exige l’abrogation des décrets portant atteinte à la liberté de prescription et réduisant les chances des citoyens dans le soin du COVID-19 ».

I.2. La médecine basée sur les preuves (Evidence-Based Medicine), il convient de le rappeler, doit prendre en compte trois facteurs :

1. Les données actuelles de la science qui ne peuvent à elles seules dicter au médecin ses choix thérapeutiques sans prendre en compte également les deux  facteurs essentiels suivants :

2. L’expérience du médecin.

3. La demande du patient et son consentement éclairé.

Un médecin a toujours eu le droit de prescrire un médicament hors AMM s’il estime que la balance bénéfice/risque de ce médicament est favorable à son patient dans un contexte donné. La seule restriction est que dans le cas d’une prescription hors AMM, le médicament n’est pas remboursé par l’Assurance maladie. Il est donc proprement scandaleux que l’Etat ait pu interdire aux médecins traitants de prescrire un (ce) médicament.

I.3. Situation de l’Italie.  Le 22 juillet 2020, l’Agence italienne du médicament  (AIFA) a également interdit aux médecins italiens la prescription hors-AMM de l’hydroxy-chloroquine dans la lutte contre la COVID-19. Les médecins italiens ont alors exercé de nombreux recours et mené des actions avec pétitions pour exiger le rétablissement de leur droit inaliénable de prescription.

Par le biais de l’ordonnance 7097/2020 parue le 11 décembre 2020, le Conseil d’Etat italien a infirmé la décision de l’AIFA et autorisé la prescription par les médecins de l’hydroxy-chloroquine dans le traitement des infections à Sars-CoV-2 (COVID-19). Le médicament étant prescrit hors-AMM, il ne sera pas remboursé. L’ordonnance souligne que l’incertitude sur l’efficacité thérapeutique de l’hydroxy-chloroquine n’est pas une raison juridique suffisante pour justifier la suspension de son utilisation sur le territoire national par des médecins. Cette décision est une première en Europe.

Pour le Conseil d’Etat italien, le choix d’utiliser ou non l’hydroxy-chloroquine, en situation de doute et de divergences dans la communauté scientifique, doit donc être confié à l’autonomie décisionnelle et la responsabilité de chaque médecin, en science et conscience, et avec le consentement éclairé de chaque patient. Cette autonomie décisionnelle, nous l’avons dit, repose non seulement sur des données scientifiques mais également sur l’expérience de chaque médecin et sur la demandé éclairée de son patient. Les avis d’experts (souvent autoproclamés) ou des articles scientifiques (parfois frauduleux) ne sauraient limiter son droit de prescription y compris hors-AMM.

II. Aspects toxicologiques des restrictions de prescription.

Le sulfate d’hydroxy-chloroquine (Plaquenil®), est un médicament au profil de sécurité bien établi. Il a été accusé au premier trimestre 2020 de posséder une toxicité cardiaque redoutable imposant un monitorage électrocardiographique (ECG) en milieu hospitalier.

II.1. L’hydroxy-chloroquine fait effectivement partie des médicaments dits torsadogènes car ils sont susceptibles d’allonger l’intervalle QT de l’ECG et de déclencher un trouble du rythme ventriculaire grave (Torsades de Pointes). De nombreux médicaments largement prescrits exposent à un risque identique, notamment des neuroleptiques et des anti-histaminiques. Le risque cardiaque de la chloroquine (Nivaquine®) est bien connu depuis les années 80 car cet antipaludéen a été présenté dans un livre grand public comme un moyen efficace de suicide en cas de surdosage volontaire.  Il y eut dans les années 80 une vague de suicides avec des arrêts cardiaques pour des posologies généralement bien supérieures à 50 mg/kg pour un adulte. Cela n’a pas empêché la chloroquine d’être délivrée sans ordonnance jusqu’en janvier 2020, date à laquelle elle est passée en Liste II.  L’hydroxy-chloroquine présente un risque torsadogène accru en cas de surdosage supérieur à 25 mg/Kg (posologie bien supérieure à celle préconisée pour le traitement de la COVID-19). C’est un bien mauvais procès fait à l’hydroxy-chloroquine que de lui imputer des accidents liés à son mauvais usage en automédication ou à un surdosage à visée suicidaire.  

II.2.Un petit rappel sur deux cas devrait inciter les thuriféraires des essais « méthodologiquement irréprochables » et de la « médecine basée sur les preuves » à un peu plus de pondération, et les « experts » à mieux déclarer leurs conflits d’intérêt.

→ L’affaire du Lancet (article évoqué plus haut, daté du 22 mai 2020 à propos de l’hydroxy-chloroquine). Cette étude du Lancet est une étude observationnelle rétrospective analysant les dossiers de patients rassemblés dans une immense banque de données internationales. Cette étude n’est donc pas une étude contrôlée et randomisée répondant aux critères méthodologiques de la médecine basée sur les preuves.  Les liens d’intérêt de certains signataires de cette étude avec l’industrie pharmaceutique et la ‘’Surgisphere Corporation’’, qui a géré les Big Data de l’étude, sont bien établis. Cet article a suscité une vive réaction de nombreux scientifiques du monde entier qui ont examiné minutieusement la publication du Lancet. Dans une lettre ouverte du jeudi 28 mai 2020, adressée aux auteurs de l’étude et à Richard Horton (rédacteur en chef du Lancet), 120 chercheurs du monde entier, appartenant à différentes disciplines, ont exprimé de sérieux doutes sur la méthodologie employée et l’intégrité des données. Ils ont dénoncé en outre le refus des auteurs de leur donner accès aux données.En moins d’une semaine une étude observationnelle rétrospective douteuse a donc provoqué l’interdiction des essais cliniques utilisant l’hydroxy-chloroquine. Avec dans notre pays l’approbation de la quasi-totalité des experts de plateaux de télévision, pourtant toujours prompts à critiquer les études ne répondant pas aux critères de l’Evidence-Based Medicine. Concernant la fiabilité des études biomédicales, Richard Horton, rédacteur-en-chef du Lancet, déclarait il y a quelques années qu’« une grande partie de la littérature scientifique, peut-être la moitié, peut tout simplement être fausse », évoquant également l’influence de l’industrie pharmaceutique et les « conflits d’intérêts flagrants ». Personne n’ignore qu’un article signalant des ‘’résultats encourageants’’ pour une molécule a des répercussions immédiates sur le cours des actions en bourse de la firme pharmaceutique qui commercialise cette molécule.

L’étude du Lancet ne s’est pas prononcée sur ce qui se passe en dehors de l’hôpital et aucune étude, si ce n’est celle du Professeur Didier Raoult, ne répond à la question de l’intérêt d’un traitement préhospitalier précoce, traitement réclamé par de nombreux médecins généralistes. Le Pr. Raoult n’a jamais prétendu que l’hydroxy-chloroquine était un ‘’traitement miracle’’. Il a seulement dit qu’il y avait des éléments de preuve en faveur de l’efficacité de l’hydroxy-chloroquine contre le SRAS-CoV-2 et qu’il se devait en tant que médecin de proposer un traitement aux patients et ne pas se contenter de prescrire du paracétamol en attendant leur hospitalisation. Son étude sur plusieurs milliers de patients traités permet de conclure à l’efficacité (taux de mortalité) et à l’innocuité (taux d’arythmies ventriculaires) de l’association hydroxy-chloroquine/azithromycine lorsqu’elle cette association est prescrite et surveillée par des médecins cliniciens.

→Laffaire du Tamiflu. En 2009, des milliards de dollars (des centaines de millions d’euros pour la France) ont été dépensés à travers le monde pour constituer des stocks d’oseltamivir (Tamiflu® des laboratoires Roche) en prévision d’une pandémie de grippe liée au virus Influenza A H1N1. Le Tamiflu® était présenté par l’OMS et « les experts » comme un médicament essentiel pour la prévention et le traitement de cette grippe, ayant le pouvoir de réduire aussi bien la durée des symptômes que les complications.  En France, les recommandations du DGS Didier Houssin, concernant la prescription de l’oseltamivir qui prirent effet le 10 décembre 2009, étaient les suivantes : « La prescription du traitement antiviral est systématique chez le patient présentant une grippe clinique. Le prélèvement naso-pharyngé à visée diagnostique préalablement à la mise sous traitement antiviral curatif n’est pas systématique. Ces produits seront délivrés gratuitement en officine, uniquement sur prescription médicale ».

Dans une lettre ouverte au DGS, datée du 16 décembre 2009, le Formindep (Association pour une information médicale indépendante) dénonça ces recommandations : « Vous précisez que ces recommandations nous sont faites sur proposition des experts. Or ces recommandations sont en contradiction avec les données scientifiques fiables actuellement portées à notre connaissance. […] L’oseltamivir n’a jamais démontré aucun effet sur la diminution de la mortalité ni le taux d’hospitalisation des personnes atteintes d’un syndrome grippal à l’exception d’une méta-analyse entièrement contrôlée par le laboratoire Roche commercialisant le Tamiflu®, dont les données brutes sont inaccessibles, et dont les résultats qui font polémique sont largement remis en cause par le British Medical Journal (BMJ) du 12 décembre et les membres de la Collaboration Cochrane. […]. Concernant le fait que des experts puissent être à l’origine de ces recommandations, nous vous rappelons que l’avis d’expert est reconnu par l’ensemble de la communauté médicale internationale comme le plus faible niveau de preuve pour apprécier la validité d’une information médicale. […] Enfin les experts auxquels vous faites référence n’étant pas identifiés, nous vous demandons communication de leur identité et de leurs déclarations publiques d’intérêts ainsi que l’exige la loi ».

En 2012 la Collaboration Cochrane, spécialisée dans la méta-analyse des essais cliniques, et le British Medical Journal ont révélé le très faible niveau de preuve d’efficacité du Tamiflu®. Ils ont également dénoncé le manque de transparence du laboratoire Roche, confirmé par l’Agence européenne du médicament, ainsi que la rétention de nombreuses informations relatives aux essais cliniques sur le Tamiflu®.  Certaines études soutenant l’efficacité du Tamiflu® ne prenaient en compte que les données fournies par le laboratoire. Or le « biais de publication », qui consiste à ne publier que les résultats positifs (pour le laboratoire) des essais cliniques et à dissimuler les résultats négatifs (pour les patients), est l’un des biais les plus importants en matière d’essais cliniques. Des conflits d’intérêt entre des experts de l’OMS et le laboratoire Roche ont également été révélés. Rokuro Hama, chef de l’Institut de Pharmacovigilance du Japon,  déclara : « Le Tamiflu® n’est pas seulement inefficace, il est également dangereux : voilà le problème ».  Rokuro Hamaénuméra les effets indésirables graves du Tamiflu®, notamment des troubles psychiatriques graves (suicide par défenestration d’adolescents) et des cas d’aggravation du pronostic vital en cas d’hyperstimulation du système immunitaire avec production massive de cytokines. Rokuro Hama signala également d’autres effets potentiellement létaux comme un risque accru de dépression respiratoire au cours du sommeil chez les obèses. Face à la balance bénéfices/risques défavorable du Tamiflu®, l’OMS retira ce médicament de la liste des médicaments essentiels le 6 juin 2017 !

En conclusion, indépendamment du niveau d’efficacité de l’hydroxy-chloroquine, l’interdiction de prescription faite aux médecins est abusive et scandaleuse. Quant au profil de sécurité de cette molécule, il a été frauduleusement déformé par des pseudo-experts de façon à justifier l’interdiction de prescription.

Apostille PB 13-12-2020 du Dr. Patrick Barriot, Expert médical, Institut Européen de Formation en Santé

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